Interviews/HIKARI/Shingo Araki

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*Sortie : 27 Février 2004 *Caractéristiques : couleur / 128 Pages / ISBN : 4-0878-2073-4 *Prix : 4.762 Yens *Producteur et Distributeur : Shueisha *Auteurs : Shingo ARAKI/Michi HIMENO
  • Traduction jp->fr proposée par Andromak2000.
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« Je me demande moi-même comment cela se fait que je devienne si follement appliqué quand il s’agit d’un travail sur « Seiya ». C’est étrange. Je pense que c’est parce que le contenu de l’histoire correspond à ce que je ressens au fond de moi. »

Profil : Né à Nagoya en 1939. Lors de ses 17 ans, il débute avec les séries du magazine mensuel de Kashi-hon manga (Système de commerce par des locations de livre). « Machi ». Après avoir publié quelques 60 courts et moyens mangas, il se rend à Tokyo en 1965. Il rentre dans Mushi Production et devient animateur. Ensuite il devient indépendant et créé, en 1974, Shingo Araki Production. Il a participé à de nombreuses œuvres en tant que character designer ou directeur de dessin (sakuga) en acquérant ainsi une bonne réputation.

La jeunesse durant laquelle il a participé au magazine de Kashi-hon « Machi »

-Avant de devenir animateur, vous avez connu vos débuts quand vous n’aviez encore qu’une dizaine d’années en tant que manga-ka. Vous avez donc commencé dans le métier de dessins dès cet âge-là. Je voudrais commencer par en savoir plus sur cette période.

Shingo Araki : Ce que je dessinais à l’époque c’était un Kashi-hon manga « Machi » (magazine mensuel dont le premier numéro est sorti en 1957 revêtant la forme d’une monographie. Edition Central). Dès mes débuts, je dessinais cela à une fréquence d’un manga par mois. Cela a duré plus ou moins 4 ans. A l’époque, il existait un type de dessinateurs qui se différenciait des manga-ka, les gekiga-ka. Au milieu de tous ces professionnels, il y avait des novices comme moi qui participaient en tant que gagnant d’un concours. C’est dans un tel environnement qu’entre semi-professionnels, on se stimulaient les uns les autres. C’est ainsi que j’ai eu beaucoup de correspondances avec Monsieur Masaki Mori (Manga-ka qui est devenu par la suite metteur en scène pour les mangas).

-Vous avez donc déposé votre candidature au concours pour les novices de « Machi » ?

Shingo Araki : A cette époque, tous les amateurs avaient le rêve de devenir des professionnels mais même en présentant ses œuvres aux grandes maisons d’éditions, on ne pouvait pas être publiés (rire). Cependant, les maisons d’édition qui s’occupent des Kashi-hon manga prenaient le temps de regarder les travaux que nous leur apportions et les publiaient dans les livres. Ils me disaient « Je le fais parce que ton œuvre a gagné ». Par la suite, ils m’ont demandé eux-mêmes si je ne voulais pas dessiner quelque chose. De plus, ils ne m’imposaient rien au niveau du contenu. Je pouvais donc dessiner ce que je voulais, ils le publiaient tant que ce n’était pas quelque chose de trop médiocre (rire). C’est pourquoi j’ai réalisé les histoires courtes une par une. À chaque fois que je regardais des films ou que je lisais des gekigas et que je ressentais des stimulations, je me disais « Allez, cette fois-ci on va essayer de faire quelque chose dans le genre action » (rire). Pour le style de dessins, je m’inspirais du style de Monsieur Sasaki Masaaki (Gekiga-ka qui a notamment dessiné la série « Kage otoko ») qui attirait beaucoup d’attention à l’époque (rire).

-En ce qui concerne le style de dessin des mangas, de qui vous êtes-vous inspiré le plus ?

Shingo Araki : Euh, je dirais que dans un premier temps, j’aimais beaucoup Monsieur Tezuka Osamu, puis Monsieur Yokoyama Mitsuteru (« Tetsujin 28 go » etc.), Monsieur Kuwata Jiro (« 8 man » etc.), Monsieur Suzuki Mitsuaki (« Momoko Tantei-cho » etc.) … Je les trouvais tous merveilleux, j’ai donc répliqué minutieusement les œuvres. Je pense que c’est vraiment une bonne chose d’être stimulé en étant jeune. Cependant, je ne progressais pas beaucoup, je me disais donc que je ne faisais pas assez de recopiage. Je dessinais en recopiant tout des œuvres, des lignes des contours jusqu’aux phylactères (rire). En continuant à faire cela, j’ai tout à coup commencé à pouvoir dessiner même les détails des dessins. Je me dis que les manga-kas confirmés sont ceux qui ont ainsi le pouvoir de conclure l’ensemble du dessin. Je pense que j’ai pu acquérir ce pouvoir petit à petit en continuant à répliquer les dessins.

« Je ne pensais pas pouvoir devenir un animateur »

-Est-ce que votre expérience en tant que dessinateur de manga vous a-t-elle été bénéfique pour vos dessins d’animation ?

Shingo Araki : J’ai en réalité gardé les œuvres de cette époque en copie. Mais bon ils sont tellement médiocres que c’est presqu’un supplice pour moi de les regarder en réalité (rire). J’arrive quand-même ces derniers temps à les refeuilleter et les relire. Quand je les vois je me rends compte que les endroits que j’avais dessiné à la va-vite ressemblent fort aux dessins que je fais actuellement pour les animés. Je me suis aussi rendu compte que les postures que je dessinais aujourd’hui dans les animés étaient les mêmes que celles que je dessinais déjà auparavant dans les mangas… etc. Cela démontre peut-être aussi le fait que je n’ai pas évolué depuis (rire). J’ai tout de même vraiment l’impression que le fait que je dessinais des mangas, que je traçais des lignes à l’aide d’un stylo m’aide pour l’animation. Quand je dessinais les mangas, la phase du brouillon était assez rapide mais la phase par laquelle on introduit le stylo était un véritable combat. Dans le monde du manga, on a des dessins faits au stylo et quand j’y repense aujourd’hui je remarque que les stylos ont une certaine force qui nous fait nous concentrer sur les traits qu’on trace. On trace et on ne pense qu’à avancer sans penser au reste. Cela nous permet de nous y atteler sans trop réfléchir au reste.

-Que vous a-t-il amené à devenir animateur ?

Shingo Araki : A partir du moment où les magazines hebdomadaires « Shonen Magazine » ou « Sunday » ont été publié pour la première fois (en 1959), les kashi-hon mangas sont devenus plus mineurs et les maisons d’éditions ont connu de plus en plus de faillites. À cette période-là j’habitais à Nagoya. Je me suis dit qu’avec mes compétences, je ne trouverais pas d’autres opportunités pour dessiner des mangas et que j’allais en rester là. Je survivais donc en faisant diverses choses comme par exemple réaliser des storyboards de dessin des films de publicité en tant que job. C’est dans une telle période que Monsieur Masaki Mori, qui était déjà dans la Mushi Production (Studio d’animation qui a été mise sur pied par Tezuka Osamu), m’a invité.

Cependant, je n’éprouvais aucun intérêt pour l’animation à cette époque. J’avais eu une discussion avec mes amis amateurs qui dessinaient des mangas à Nagoya et avec qui on s’était rassemblé à propos des animateurs. Mais tout le monde disait que dessiner des animations c’était trop dur, « ce n’est pas un métier que nous serions capables de faire » (rire). Ils disaient aussi « Si jamais c’était possible ce serait tout au plus pour les traces (le fait de recopier sur les celluloïds une image originale) ou encore pour le coloriage ». Je ne pensais moi-même pas que je pourrais devenir un animateur. Pourtant, au moment où on me l’a proposé je me suis dit « Allez, en dessinant toute la journée je pourrais peut-être réussir à devenir un animateur » (rire). C’est comme ça que je suis venu à Tokyo.

L’entrée dans l’entreprise Mushi Production. Beaucoup de difficultés pour la réalisation des propres des gengas et pour les mouvements des animaux

-C’est bien en 1965 que vous êtes entré dans l’entreprise Mushi Production.

Shingo Araki : Lors de mon entrée dans l’entreprise, on m’y a donné accès en tant que personne souhaitant faire de la mise en scène mais en réalité tout a commencé par le dessin des dogas. Je m’inquiétais beaucoup de si j’allais réussir à dessiner des animés et je n’y arrivais effectivement pas (rire). Je n’arrivais même pas à faire de clean-up (des propres) des gengas. Les plus âgés (senpai) m’ont alors donné un tas de conseils notamment sur la manière de tracer les lignes. Ils ont tracé des lignes pour me montrer. Ces traits étaient très précis et il n’y avait absolument rien qui n’ait bougé même pendant la phase du trace, les traits demeuraient intacts. Je me suis dit « Il faut d’abord que je maitrise cette technique !? » et j’ai appris à tracer des lignes de manière fidèle, précise. Quand je dessinais encore des mangas, je pouvais dessiner comme je voulais. Cependant, désormais je devais montrer ce que je dessinais à quelqu’un pour qu’il m’évalue. C’était donc bien stressant (rire).

-N’avez-vous pas eu de nombreux cas d’essais-erreurs lors de votre première expérience en tant qu’animateur ?

Shingo Araki : Avant l’animation, il y avait le fait que j’aimais depuis mon enfance, les mangas de Monsieur Tezuka Osamu. Je dessinais donc très souvent Hige-oyaji ou les autres personnages que j’aimais bien. Les choses que j’arrivais à dessiner comme ça, quand il s’agissait de les dessiner après mon entrée dans Mushi Production, je n’y arrivais plus du tout. La première fois que j’ai dessiné un doga c’était dans « Jungle Ootei » (de 1965) mais je n’avais jamais vraiment dessiné en m’appliquant, les animaux à quatre pattes comme Léo, le protagoniste. Cela a donc été assez laborieux (rire). Grâce à cela, j’arrive désormais à dessiner, même grossièrement, les animaux (rire). C’est ainsi que j’ai dessiné les dogas pendant environ 3 mois, puis les gengas puis environ un an plus tard, j’ai commencé à faire des semblants de mises en scène. J’ai aussi réalisé des storyboards de dessins et fais des sakugas (Création d’images). Voilà ce que je faisais. Au début, j’étais juste stressé et je n’avais pas l’impression que la Mushi Production était un aussi bon studio. Je me disais que j’avais même réussi à y entrer… (rire). Mais quand j’y pense maintenant, il n’y avait vraiment que des personnes formidables. Je me demande vraiment comment une personne comme moi a pu travailler là-dedans. Je n’y suis resté qu’un an et demi mais quand je me demande si j’ai fait du bon travail pour l’entreprise, je me dis que non probablement (rire).

-Il y a, en commençant par vous Monsieur Shingo Araki, beaucoup de créateurs représentant actuellement le monde de l’animé qui viennent de Mushi Production. Vous travailliez donc à l’époque avec des personnes plus expérimentées et des collègues qui étaient formidables. Avez-vous été inspirés par ces personnes ?

Shingo Araki : A l’époque où je travaillais chez Mushi Production, j’étais trop occupé que pour me sentir inspiré (rire). Je me disais qu’il fallait juste que je dessine encore et encore. Tout en dessinant, quand je regardais doucement autour de moi, je me rendais compte que tout le monde dessinait vraiment bien. Monsieur Nagashima Shinji (Manga-ka, « Mangaka zankoku monogatari », etc.) était comme un dieu pour moi. Il y avait aussi Monsieur Sugino Akio (directeur de dessins, « Ashita no Jo 2 » etc.) qui ne s’arrêtait jamais. Il dessinait aisément un tas de poses différentes alors que moi, je ne peinais rien que pour réaliser un seul tome-e (seishiga - Still image) (rire).

-Avez-vous pu rencontrer votre idole Monsieur Tezuka Osamu ?

Shingo Araki : En principe, j’aurais dû, quand je suis entré dans Mushi Production, aller le saluer mais c’était un petit peu comme si je travaillais en m’étant incrusté là-bas (rire). Je me disais donc que j’allais aller le saluer une fois que j’arriverais à fournir du bon travail et puis le temps s’est écoulé si vite (rire). Mais donc le résultat est que je ne l’ai presque jamais vu. Même quand Monsieur Tezuka venait au studio, je restais dans l’ombre du bureau pour continuer à dessiner, et Monsieur Tezuka, lui, passait assez rapidement. Pourtant, au moment où il arrivait dans le studio, on sentait tout de suite qu’il était là. L’ambiance changeait et puis, il a une voix qui porte, au point que sa voix résonne dans tout le studio (rire). Enfin, bien sûr, je ne doute pas que ce soit une personne très gentille (rire).

Sorti de Mushi Production. Devenir indépendant et animateur libre

-Après être sorti de Mushi Production, vous avez participé à la mise en place d’un studio « Jaguard » mais on peut donc dire que c’est chez Mushi production que vous avez appris les bases du métier d’animation ?

Shingo Araki : J’ai pu, en tant que animateur, commencer par les dogas pour apprendre l’ensemble des matières. Ce que j’ai appris chez Mushi Production est effectivement énorme. Chez Jaguard, je travaillais en tant qu’indépendant, en m’associant avec d’autres animateurs mais je pense que toutes ces diverses choses que j’ai pu y faire trouvaient leur origine dans le résultat de ce que j’avais acquis chez Mushi Production.

En ce qui concerne le style de dessin chez Mushi Production, la base était le style Tezuka mais à ce moment-là je n’avais pas encore de style propre à moi-même. C’est en travaillant de manière indépendante, en touchant à de nombreuses œuvres que se sont petit à petit formés mon style personnel et les mouvements qui me sont propres. Enfin, d’après moi évidemment (rire). Et puis, même après être sorti de Mushi Production, au début, je continuais à faire « Ribbon no Kishi » (de 1967) ou encore « Dororo » (de 1969) de la Mushi Production. Mais je n’arrivais pas bien à dessiner le style Tezuka et donc il y avait des différences dans les touches des dessins et des personnages. En gros je n’arrivais pas à bien faire bouger ces personnages dessinés de manière si ronde. C’est à ce moment que j’ai reçu l’offre de « Johnny Cypher » (une œuvre de collaboration entre le Japon et les Etats-Unis de 1968). Les dessins étaient de type Amekomi (American Comics ) mais quand j’ai essayé de les dessiner, je me suis dit « J’y arrive ». Ensuite, l’œuvre suivante était la version animée de « Kyojin no hoshi » (de 1968).

Le gekiga anime « Kyojin no Hoshi » qui a constitué un tournant

-« Kyojin no Hoshi » a été une œuvre dans laquelle on a inséré assez audacieusement les expressions de type gekiga que comportent l’œuvre originale.

Shingo Araki : Le dessinateur original en était Monsieur Kawasaki Noboru et depuis l’époque où je dessinais des Kashi-hon mangas, j’aimais les gekigas que dessinait Monsieur Kawasaki. C’est pourquoi j’avais l’impression que j’allais être apte, pour cette œuvre-ci, à dessiner mieux que n’importe qui d’autre. Je me suis donc inscrit à l’audition de Tokyo Movie, je l’ai réussie et c’est comme cela que j’ai été amené à participer à la création des dessins (sakuga). J’ai quand-même eu une période de dur labeur, et ce à différents niveaux, notamment celui des mouvements mais quand je regardais les sakugas des autres personnes je me disais « Allez les miens ne sont pas si mauvais non plus » (rire). Je me rendais bien compte bien sûr que mes dessins n’étaient pas extraordinaires (rire) mais le fait de me dire cela prouvait peut-être le fait que je gagnais petit à petit confiance en moi.

À ce moment-là j’avais abandonné le manga mais quand je dessinais Hoshi Hyuma dans « Kyojin no Hoshi », il y avait des choses qui se recoupaient. J’étais, en effet, bien plus jeune que Hyuma (rire) mais je me disais que j’avais aussi vécu une période où je portais un uniforme de collégien comme lui et puis j’ai connu une époque où je dessinais des gekigas en portant cet uniforme. J’avais aussi déjà dessiné des protagonistes dans les gekigas qui portaient également des uniformes de collégien et tous ces personnages se sont petit à petit imbriqués (overlap dans le texte) en Hyuma. C’était la preuve que j’arrivais désormais à éprouver de l’empathie envers les personnages. De plus, en ce qui concerne le père de Hyuma, un homme très têtu, quand j’ai dû le dessiner de sorte qu’il exprime toutes ses émotions à nu, j’arrivais à avoir de l’empathie envers lui. Pour chacune des émotions, je me disais « Ah c’est un tel aspect colérique qu’il revêt quand il est en colère ? ». J’arrivais donc petit à petit à créer moi-même dans ma tête les mouvements des personnages.

-Cela signifie donc que vous avez trouvé un style de mouvement qui vous est propre. Vous avez ensuite participé à « Shin kyojin no hoshi » (de 1977) et à « Shin Kyojin no hoshi 2 » (de 1979). Avez-vous ressenti des difficultés différentes des autres animés par le fait que ces deux derniers concernent le domaine du sport ?

Shingo Araki : Ils concernent le baseball donc il y a des scènes dans lesquelles les joueurs lancent la balle ou la frappent. Pour ces scènes-là, j’ai d’abord effectué moi-même les différents mouvements jusqu’à ce que j’en sois satisfait pour ensuite les dessiner. C’est aussi une technique que j’ai apprise à Mushi Production. Le principe était de jouer d’abord soi-même les mouvements des personnages pour ensuite créer les mouvements dans l’animé. C’était ce que l’on faisait dans « Jungle Ootei ». C’est pour cela que pour dessiner Léo, je me mettais aussi à quatre pattes et je me disais « Est-ce cela la démarche de Léo ? » (rire). J’ai également utilisé cette technique par laquelle on fait des essais avec son corps dans « Kyojin no Hoshi ». J’ai quand-même regardé de temps en temps les postures des joueurs (des photos séquence) qui se trouvaient dans des journaux de sport et je m’en suis inspiré pour créer les mouvements. Mais je ne regardais jamais les diffusions en direct du baseball (rire).

-Parmi les œuvres desquels Monsieur Kawasaki Noboru a été l’auteur original, on voit que vous avez été dessinateur, en plus de « Kyojin no Hoshi », dans «Koya no Shonen Isamu » (de 1973).

Shingo Araki : En plus du fait que j’étais un fan de Monsieur Kawasaki Noboru, j’aimais aussi le western. Parmi les films que je regardais, presque tous étaient des westerns à l’époque. J’allais les regarder dans des nibankan ou sanbankan (des cinémas qui diffusent ensemble des œuvres dont la publication est terminée), j’assistais aux séances qui prévoyaient de diffuser deux ou trois films d’affilé. Pour « Isamu », je me suis dit « On peut même dessiner des chevaux ou encore des Colt Peacemakers (pistolets) pour le travail ?! » (rire). À l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’animateurs qui arrivaient à dessiner précisément ces armes. De mon côté j’en ai dessiné énormément et je travaillais tout en m’amusant (rire). Ensuite, je me suis dit que j’allais, comme ils le font dans « Kyojin no Hoshi », avancer vers la direction du but que je me suis donné mais je me suis peut-être un petit peu trop emporté. Dans la scène où le protagoniste, Isamu, tire pour la première fois sur quelqu’un, j’ai imaginé un tas d’expressions qu’il aurait pu avoir à ce moment-là, je l’ai finalement dessiné de manière très réelle. On m’a alors mis un stop en me disant que cela allait peut-être un petit peu trop loin (rire). Il y a donc eu tout cela mais « Isamu » est une œuvre que j’aimerais volontiers refaire une fois.

Développement du style érotique sain avec « Cutie Honey »

-Après « Isamu », vous avez fait « Cutie Honey », une œuvre dont le caractère érotique a fait beaucoup parler d’elle. Quand on y pense maintenant, on voit que le caractère érotique y était très sain (rire). Je pense que depuis « Honey », on a fortement retenu ce caractère en tant que charme des animés. Je pense que dès lors, la manière de représenter les héroïnes qui interviennent dans les animés de façon charmante est un point par lequel on peut se démarquer des autres en tant qu’animateur. Que pensez-vous de ces représentations ?

Shingo Araki : Je pense que l’envie de dessiner ce genre de chose est présente en moi. Quand je regarde des films, il m’arrive d’être attiré par une actrice que j’aime bien. Je pense qu’en tant que dessinateur, on va toujours vouloir dessiner notre admiration ou encore nos préférences concernant les femmes. Quand je relis les mangas que j’avais dessiné auparavant, je me rends compte que je dessinais vraiment les filles comme je les trouvais mignonnes. Même si les dessins en soi ne sont pas terribles (rire). Il y a des traces du fait que je les ai dessinées en me disant « Ce sont ces filles-là qui sont jolies ». Je pense également que ces sentiments persistent quelque part dans certaines de mes autres œuvres. Dans « Kyojin no Hoshi », il n’y a pas beaucoup de femmes mais quand on voyait la petite sœur de Hyuma, Akiko, je voulais quand-même la dessiner de manière charmante.

-Malgré cette beauté, c’est peut-être le fait qu’on ne retrouve pas cette ambiance malsaine qui fait le charme du « style Shingo Araki ».

Shingo Araki : Le fait que malgré le caractère érotique il n’y ait pas de côté malsain c’est sans doute dû au fait que je dessine encore avec mon cœur d’enfant, que je ne suis pas encore devenu vraiment un adulte (rire). Il n’y a pas que cela. Je ressens évidement aussi un sentiment qui me dit que je ne peux pas aller plus loin dans mes dessins. Pour « Cutie Honey », les dessins de l’œuvre originale faits par Monsieur Nagai Go étaient déjà érotiques mais sains. Honey a les formes qu’il faut et un beau corps mais cela ne la rend pas vulgaire (rire). Pourtant quand j’ai su que j’allais la dessiner, je me suis demandé si on pouvait aller aussi loin dans un animé. D’une part, pour les scènes de métamorphoses, les images étaient telles que je me disais que je n’avais jamais été jusque-là auparavant. D’autre part, je me disais aussi qu’il fallait qu’on ait une retenue. Je me souviens d’avoir été rassuré en regardant la scène dans sa version finale.

Un acteur de la mode des beaux personnages

-Par la suite, d’une part « Majyokko Megu-chan » (de 1974) a attiré beaucoup d’attention. D’autre part, dans la période de « UFO Robo Grendizer » (de 1975), la tendance des beaux personnages masculins est apparue. Que pensiez-vous de cette nouvelle mode des « beaux personnages » de l’époque ?

Shingo Araki : On m’a nommé « Shingo Araki des beaux personnages » mais cela s’est fait un petit peu comme cela. De plus à ce moment-là, Madame Himeno (Michi) est rentrée dans la Araki Production. Je pense que le travail de madame Himeno a eu une grande importance dans les setteis des personnages de « Grendizer ». C’était avant tout une période où les animés étaient à la mode. De plus en plus de magazines d’animés étaient publiés, c’était vraiment de la folie. Je recevais des appels de demandes d’interview pendant mon travail. Je n’avais aucune expérience telle et j’étais donc assez surpris mais à la fin je me disais « J’en ai assez ! » (rire).

La version animé de « Seiya », née à partir de la touche Shingo Araki

-Quels qu’en soient les mérites et démérites, le métier de animateur a été mis en lumière à partir d’une mode. Cela perdure encore aujourd’hui. Dès le milieu des années 80’, la mode s’est atténuée mais en opposition à cela, on a lancé la version animé de « Saint Seiya » (1986), œuvre qui a fait l’objet d’un soutien chaleureux. « Seiya » semble être pour vous également une œuvre spéciale.

Shingo Araki : Evidemment, « Seiya » est une œuvre dont l’original est intéressant mais je me demande moi-même comment cela se fait que je devienne si follement appliqué quand il s’agit d’un travail sur « Seiya ». C’est étrange. À mon avis c’est parce que le contenu de l’histoire qui se déroule dans cet univers et dans lequel agissent Seiya et les autres se recroise parfaitement avec ce que je ressens au fond de moi. Cependant, le sang chaud, quand cela va trop loin on pourrait dire que c’est fatiguant, quand Seiya est tout le temps flamboyant, c’est un peu… (rire).

En faisant « Seiya », cette fois pour des OAV et le film après tant de temps, j’ai pu m’y mettre en oubliant mon âge (rire). Cependant, en regardant les « Seiya » que j’avais fait auparavant, je me suis dit que je ne pourrais plus les refaire comme cela. C’est parce qu’il y avait des moments, dans les anciens « Seiya » que j’avais dessiné sans trop réfléchir. Les redessiner en y réfléchissant cette fois est un travail difficile. C’est alors que je me suis dit que j’allais dessiner un nouveau « Seiya », même si l’œuvre en tant que telle se situe dans la continuité des œuvres précédentes. Et puis en dessinant tout cela en réfléchissant, on n’arrive plus vraiment à dessiner et on se dit « Waouw ! » (rire). Je le dessine finalement en me disant « Je vais le faire en me basant sur « Seiya » que j’ai dans ma tête ! », c’est comme cela qu’on retrouve dans cette version film différents « Seiya » (rire).

-Cela veut-il dire que, même en ce qui concerne les traits des dessins, ils sont différents de ceux que vous dessiniez auparavant ?

Shingo Araki : Dans mon cas, en traçant des traits clairs et fins, je n’arrive pas à trouver le résultat que je veux obtenir. Je dois les dessiner avec force pour arriver à des traits qui me satisfont. Plus les traits sont épais, plus l’impression qu’on a en les regardant se renforce. C’est pour cela que pour « Kyojin no Hoshi » aussi j’ai tracé des traits épais. Ainsi, dessiner des traits forts prend du temps. J’utilise donc des crayons foncés et j’utilise même des dermatographes (crayon spécial sous la forme d’un crayon de cire avec une mine douce) pour épaissir mes traits. Le trait devient alors épais mais par opposition à cela, on arrive ainsi à dessiner plus de détails et des expressions plus délicates. Il y a dans le dessin aussi une technique qui consiste à dessiner petit à petit les traits et de manière précise mais pour moi, tracer les traits sans me poser trop de questions en me disant « Ce sont ces traits-là que je dois tracer ! » me convient mieux.

Cependant, à travers ces traits, on exprime une sorte de over-realism et avec « Kyojin no Hoshi », cela n’a pas posé de problèmes mais pour « Ashita no Jo » (de 1970), cela n’a pas été accepté. Pour « Seiya », pourtant, cela a bien été accepté. Je pense donc que sur ce point, « Kyojin no Hoshi » et « Saint Seiya » sont liés. La relation de rival entre le directeur de « Seiya » et du directeur de dessin

-On comprend que c’est grâce à ces dessins que Seiya et les autres personnages qui ont été dessinés de manière claire ont attiré l’attention. Quel est, pour vous en tant que dessinateur, le Saint parmi les protagonistes de Seiya, que vous affectionnez le plus ?

Shingo Araki : Euh, c’est une des questions qui m’embarrassent le plus (rire). Si je réponds simplement, je dirais que tant Shiryu que Hyoga, tous sont condensés dans le personnage de Seiya. Si on arrive à dessiner Seiya, on arrivera à dessiner tous les personnages. En d’autres mots, Hyoga et les autres personnages ont tous des points communs avec Seiya et donc en changeant les couleurs et en ajoutant certaines caractéristiques, on peut les dessiner par comparaison à Seiya. Pour conclure, une fois que le visage de Seiya est fixé, on peut se baser dessus pour définir les personnages en agrandissant les yeux ou en affinant le nez, on peut alors se dire « C’est comme cela que sera Ikki » par exemple.

Au niveau interne, on peut voir que Ikki ne se dévoile pas trop, alors que Seiya, lui, est très sincère et donc se dévoile complètement. Dans les scènes où il crie « Saori saaaan ! », on pourrait se dire « Peut-il montrer à ce point ses faiblesses ? » alors que Seiya est un garçon de sang chaud (rire). Mais si on a, en tant que protagoniste, qu’un garçon lambda au sang chaud, l’animation ne peut pas bien fonctionner. Et puis, cette fois-ci, même le directeur de la version film, Monsieur Yamauchi Shigeyasu, dessinait les storyboards des dessins en entrant tellement dans les personnages. C’est ainsi que quand je me disais « Cela va trop loin » et que je m’inquiétais un petit peu, il me disait « Fais le en respectant le storyboard de dessin » (rire). Il me disait même d’en faire davantage (rire). Du coup, moi je me disais « Je peux donc en faire autant ? » et donc j’en faisais de plus en plus. Il y avait donc ce genre d’échanges.

-Comme vous et Monsieur Yamauchi vous êtes maintes fois retrouvés ensemble pour « Seiya », une telle relation de rivalité a dû engendrer une telle synergie que la nouvelle œuvre a été davantage améliorée.

Shingo Araki : En fait moi je reçois les scénarios, les storyboards des dessins, les demandes du directeur et c’est au milieu de tout cela que je créer les images qui me viennent à l’esprit. Au niveau de l’action aussi, pour Artémis, l’ennemie de Seiya et compagnie, on a décidé qu’elle détenait une force qui est autre qu’une force physique. C’est davantage une force psychologique, la force de son esprit. Du coup elle n’a pas besoin d’avoir l’air, du premier coup d’œil, si forte. J’ai donc voulu cette fois-ci, en faire un personnage mince, élancé avec une expression pointue. C’est ainsi que quand Artémis bouge, elle le fait comme dans un ralenti et pourtant quand on est dans l’action elle bouge si vite qu’on ne peut le percevoir de nos yeux. C’est comme un déplacement instantané. Mais j’aimerais bien pouvoir dessiner l’impression qu’on a de leurs mouvements qui est de bouger en toute beauté.

Cela fait déjà 15 ans que je dessine « Seiya » et quand on regarde uniquement le dessin, on voit que le niveau de l’animation en entier s’est très fort élevé. C’est pour cela que je me dis que ce « Seiya » doit dépasser les « Seiya » qu’on a fait jusqu’à présent, enfin, que le temps est venu de pouvoir le dépasser. C’est parce que j’imagine que les personnes qui regardent « Seiya » évoluent aussi au fil du temps.

Dans un animé, on ne peut négliger aucune image

-J’aimerais maintenant vous poser une question importante. Si vous concevez une sorte d’« esthétique de l’animation », pourriez-vous nous en faire part ?

Shingo Araki : Euh (rire). C’est quelque peu différent mais il y avait quelque chose que j’avais toujours gardé à l’esprit. C’est le fait que les images d’une animation sont une succession de dessins. Chacun des dessins en lui-même ne va pas rester ancré dans l’esprit du public. J’ai gardé cette idée pendant longtemps. Chaque image n’est qu’un dessin parmi une multitude de dessins, avons-nous besoin dès lors de nous y atteler de manière si minutieuse en y réfléchissant autant ? En d’autres mots, je me disais que le métier d’animateur consistait à mettre les dessins en mouvement et que donc même si on parvenait à transmettre les mouvements, on ne pouvait pas réussir à transmettre les traits que l’on a tracé. Mais en y repensant je me suis rendu compte que ce n’était absolument pas le cas. Je me suis rendu compte que même dans la succession de mouvements, les dessins et les traits demeuraient et que cela était perceptible et se transmettait aux personnes qui y prêtaient de l’attention. Je me dis donc maintenant qu’on ne peut en aucun cas se permettre de les négliger.

J’avais déjà eu ce genre de discussions avec d’autres animateurs de Mushi Production. Quand j’avais dit que cela ne se transmettait pas, une certaine personne m’avait répondu que ce n’était pas vrai. Il disait « Les dessins que l’on fait nous-mêmes se transmettent toujours. C’est pour cela que ce n’est qu’une fois que l’on s’est bien formé et qu’on arrive à bien tracer des traits que l’on devient un véritable animateur ». J’avais, à l’époque l’idée que comme les dessins allaient disparaitre en un instant, je ne devais pas les travailler à fond, qu’il suffisait de les dessiner vite fait. C’est pour cela qu’à ce moment-là je ne savais pas ce qui était la vérité. Et puis petit à petit, en regardant attentivement les scènes que j’avais dessinées moi-même à fond, je me suis rendu compte que les dessins et les mouvements étaient plus clairs. On voyait clairement, sur l’écran les endroits que j’avais dessinés à la va-vite et les scènes que j’avais dessinées à fond. C’est comme cela que j’ai eu la certitude que, que ce soient des gengas ou des dogas, plus on s’appliquait en dessinant, plus cela se transmettait au public. Même pour cinq dessins que l’on met en mouvement de manière successive, si on les a dessinés à la va-vite, on ne va percevoir qu’une idée vague de la situation alors que si on les a dessinés à fond, on va percevoir la situation de manière claire et précise. C’est pour cela que plus on dessine à fond, plus les dessins vont toucher le public. Si j’arrive désormais à penser ainsi, c’est sans doute grâce aux choses que j’ai pu acquérir en continuant le métier d’animateur.

-C’est donc grâce au fait que vous gardez une telle idée que la haute qualité des sakugas de « Seiya » persiste.

Shingo Araki : Ce que je pourrais citer comme élément sur lequel je porte une attention particulière est le fait que même pour chacun des kuchipakus (doga original où l’on ne dessine que la bouche) de Seiya et compagnie, je veux pouvoir rectifier absolument tous les endroits à améliorer. Pour les mepachi (doga original sur lequel on ne dessine que les paupières qui se ferment ou s’ouvrent), dans la version originale, tout ce que l’on retrouve c’est le dessin des yeux qui sont ouverts ou des yeux qui sont fermés. Il faut donc que les dogas qui contiennent les étapes intermédiaires soient bien dessinés et pendant cette phase il y a différentes manières de montrer le regard. Il faut donc faire attention aux changements qui existent au niveau de la manière dont on perçoit le regard. Il y a bien sûr certaines circonstances comme le manque de temps ou le fait que celui qui est chargé des dogas se trouve à l’étranger qui ne nous permet pas d’y porter tant d’attention. Mais par exemple, quand on regarde les films que l’on a terminé en ayant tout donné malgré le planning chargé, on devrait, même si ce n’est peut-être pas un point primordial, percevoir une impression différente entre les kuchipakus et les mepachis qu’on a pris le temps de peaufiner et les autres.

-Vous avez jusqu’à présent toujours déployé votre Araki world en vous basant sur des œuvres originales de manga mais à quoi ressemblerait l’univers que vous aimeriez créer à partir d’une œuvre originale que vous auriez écrite vous-même? J’aimerais vous entendre sur cette question pour terminer.

Shingo Araki : Je me dis que je trouverais ça chouette de dessiner quelque chose de visqueux. Par visqueux, je veux dire quelque chose d’effrayant… que l’on retrouverait dans nos rêves. En fait quand j’étais jeune, j’ai fait des expériences de kanashibari (Paralysie du sommeil). Il y avait comme un démon qui m’étranglait et je criais de toute mes forces mais quand je me suis réveillé ma mère m’a dit que je dormais paisiblement (rire). C’est pour cela que, par exemple, j’aurais envie de dessiner des démons comme ceux que j’ai pu dessiner auparavant dans « Devilman » (de 1996) ou encore des monstres extrêmement terrifiants. C’est notamment pour cet aspect que j’ai vraiment bien aimé travailler sur « Gegege no Kitaro » (de 1996). J’aurais donc envie de créer une œuvre de garçon au sang chaud mais dans lequel je pourrais faire intervenir ce genre de personnages, des personnages que j’aurais moi-même imaginé sous forme d’une œuvre de fantaisie. C’est juste une envie de faire ressortir ce qui me passe par la tête donc cela ne doit pas obligatoirement être un animé. Je trouverais ça chouette de pouvoir les présenter sous quelconque forme de dessin.

-A l’approche de la finalisation de « Saint Seiya, Tenkai-hen, Joso », je vous remercie de nous avoir accordé de votre temps précieux.


Fin de traduction