Interviews/Pia/Kōzō Morishita

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  • Interview de Kōzō Morishita, réalisateur en chef de la série de 1986, des épisodes 01 à 99, puis producteur pendant les épisodes 100-114. Parue en 2012 dans le Pia mook de Saint Seiya Omega.
  • Traduction du japonais vers le français par Archange.
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Traduction

Notes du traducteur - nekketsu: au sang chaud, quelque chose plein d'ardeur et de passion.


Kōzō Morishita (années 2010)

1) Faites nous part de vos expériences à la Toei Animation avant Saint Seiya.

Morishita : À la base, Toei Animation est un studio qui réalise de nombreuses adaptations de mangas issus du Shônen Jump, et le staff est donc incroyablement réceptif à des thèmes comme l'amitié, les efforts, et la victoire. Saint Seiya est empli de cette écrasante passion ardente. Le sujet d'une adaptation animée est donc arrivé très rapidement.


2) Quelle a été la réaction du public lorsque la diffusion a commencé ?

Morishita : À l'époque, il n'y avait pas de décompte des audiences prenant les individus comme unité, et au début, même les décomptes d'audience par foyer étaient rares. Mais vers l'épisode 8, j'ai pu entendre les enfants de l'école derrière chez moi imiter Hyōga dans la cour de récréation. J'ai alors compris que l'anime était devenu populaire.


3) Est-ce que confier le character design à Shingo Araki était votre idée ?

Morishita : Je ne sais plus qui l'a suggéré, mais personnellement, lorsque j'ai vu les dessins de Masami Kurumada, j'ai automatiquement songé à Shingo Araki. Je pense que c'est Isao(?) Oonaru qui a décidé de proposer le character design à Shingo Araki. Et à mon avis, Yoshihiko Umakoshi, qui est chargé du character design d'Omega, est proche à 80% de Shingo Araki. Une sensualité, un côté sexy se dégagent de leurs dessins.


4) Pourquoi avez-vous été choisi comme réalisateur pour Saint Seiya ?

Morishita : À la base, ma spécialité était les animes d'action ainsi que ceux de robots. J'avais déjà été réalisateur en chef sur de nombreux projets, et juste avant Saint Seiya, j'avais travaillé sur "Transformers le Film" (1986). À l'époque, le yen était faible, et nous avions obtenu une quantité stupéfiante de garanties diverses. Le producteur en chef avait alors dit « Morishita n'utilise pas assez le budget, lui non plus », et ceci m'a décidé à utiliser de l'argent sans retenue sur Saint Seiya (rires).


Et j'ai donc pu avoir des dessins avec trois niveaux d'ombre. Est-ce que ça ne met pas en valeur les contrastes des Cloths ? À l'époque, les gens liés au domaine de l'animation m'avaient fait part de leur étonnement sur mon choix. Mais à l'étranger, sur "Transformers", j'avais compris qu'un budget conséquent était important, et que la qualité des productions destinées au Japon ne pourrait faire de bond en avant sans accepter d'investir une telle somme.


Les chaînes de télévisions n'avaient pas conscience de cela, mais la création de ces scènes jamais vues les ont aidé à ouvrir les yeux. Et j'ai donc mis tout mon savoir-faire dans Saint Seiya. J'ai également étudié les techniques de composition d'image utilisées par "Star Wars", et me suis rendu encore et encore au "Toei Labotech" avec les pellicules de composition de Saint Seiya.


5) Ce doit être difficile d'utiliser autant de personnages adolescents, n'est-ce pas ?

Morishita : Comme nous avons un groupe, chaque personnage doit se différencier par sa façon d'agir. Il faut pouvoir les séparer tous les 5 par leur manière de réagir à diverses situations, comme lorsqu'ils sont calmes ou actifs.


Pour commencer, Seiya, le personnage principal, est complètement différent de ses compagnons, aussi bien au niveau de sa manière d'être que de ses actes. Seiya est un personnage qui pue la crasse et passe son temps à manger le sol tel du menu fretin, mais rampe et se relève tant bien que mal. Hyōga et Shiryū ont en revanche l'air de nobles, ils ont toujours une attitude un peu prétentieuse, et ne peuvent pas être montrés dans des situations les ridiculisant. J'avais donc réuni tout un ensemble de règles non-écrites de ce genre sur les personnages.


Umakoshi et Araki sont tous deux réputés pour effectuer des déformations sur des groupes de personnages. Même si de nombreux personnages sont présents sur un cut, les déformations permettent d'obtenir un beau résultat. Ils ne suivent pas les proportions des setteis à la lettre. Shingo Araki était vraiment quelqu'un de talentueux pour créer une animation inspirant un sentiment d'action et de vitesse, qui charmait le regard.


6) L'anime comportait aussi des personnages inédits comme le Crystal Saint.

Morishita : Oui, et comme le maître de Hyōga est ensuite apparu dans le manga, nous avons tenté d'arranger les choses en faisant de Camus le maître du Crystal Saint. Nous avons du longuement réfléchir à ce sujet avant que cette solution permettant de conserver la cohérence ne nous apparaisse subitement.


Les personnages inédits du premier film ont eux aussi bénéficié de roughs fournis par Masami Kurumada, ce qui nous a permis de n'obtenir que de bons personnages. Les producteurs, la chaîne et Koyama ont organisé pour cela des réunions très détaillées avec Masami Kurumada. Car même lorsque l'on inclue des personnages exclusifs à l'anime, de nombreux personnages intéressants continuent à apparaître dans le manga. Au final, l'oeuvre originale reste la meilleure. Il en va d'ailleurs de même pour Dragon Ball, et quel que soit le nombre d'éléments exclusifs ajoutés dans l'anime, j'ai toujours veillé à ce qu'il reste possible de revenir sur le scénario du manga.


À cette époque j'étais dans la trentaine, mais cette expérience m'a vraiment appris beaucoup de choses sur ce qu'il fallait faire pour rendre un personnage intéressant. Faire un bon personnage ne se résume pas à faire de beaux dessins. Il faut aussi lui donner un bon background, que le public saisisse clairement quel genre de personne il est. Il faut par exemple montrer des scènes comme celle de Hyōga se rendant au fond de la mer pour voir sa mère. Et je suis bien embarrassé d'avouer que je peine à faire ceci sur des personnages ou productions inédits, mais en revanche j'en ai été capable sur les personnages déjà posés par Masami Kurumada. Et en plus, ce qu'il avait fait était évidemment incroyablement cool.


7) De quelle manière le chapitre d'Asgard a-t-il été produit ?

Morishita : Nous y avons réfléchi tout en discutant du contenu avec Masami Kurumada. Après la fin du Jūnikyū-hen (bataille des 12 Maisons), l'anime était sur le point de rattraper le manga, et il aurait dont été difficile de continuer ainsi. Nous ne savions pas ce que le manga et Masami Kurumada allaient montrer. Et inclure une histoire originale sans prendre de précautions aurait pu conduire à une trame irréconciliable avec le manga.


Saint Seiya Omega ou les films de Dragon Ball sont dans ce cas de figure. Il faut faire en sorte que les ajouts de l'anime se basent sur des éléments non-présents dans le manga. Plutôt que de chercher à coller de près au manga, il est préférable que ces ajouts partent explorer des pistes différentes, non ? Utiliser la mythologie nordique permettait ainsi de ne pas créer d'interférences avec la mythologie grecque employée par Masami Kurumada.


8) Et il en allait de même pour les films, qui présentaient des histoires inédites, n'est-ce pas ?

Morishita : Oui, et L'ardent combat des dieux ("film Asgard") de Shigeyasu Yamauchi a servi de prototype au chapitre Asgard TV, dont l'image plus adulte a intéressé les fans féminines.


Le film que j'avais réalisé (NDT: Eris) était un shônen typique, mais qui était cependant très proche de l'oeuvre de Masami Kurumada. Les rivaux dedans étaient clairement introduits afin que ce soit facile à comprendre pour le public qui découvrait Saint Seiya par ce biais. Afin de faire ressortir Seiya parmi les 5 héros, j'ai également mis un des ennemis particulièrement en avant (NDT: il doit parler d'Orion), et le reste des adversaires sont en conséquence devenus de la chair à canon.


C'est donc un film très injuste envers les seiyuus qui interprétaient les rivaux. À l'époque, Saint Seiya était diffusé à travers tout le pays, et de nombreux fans attendaient avec impatience ce premier film. Comme les personnages inédits du film avaient aussi de bon designs, nous avions alors demandé à des seiyuus renommés de les interpréter, mais en fin de compte ces rôles se sont limités à très peu de répliques avant que les personnages ne se fassent abattre. Ces mêmes seiyuus nous ont justement demandé alors « heu, c'est tout ? ». Mais comme ce film ne durait que 40 minutes, il était difficile de faire autrement (rires).


9) En parlant des seiyuus, de quelle manière ceux-ci ont-ils été choisis ?

Morishita : Des auditions ont été tenues. Comme le concept de Saint Seiya est du nekketsu, personne n'aurait pu battre Furuya, n'est-ce pas ? Et puis il y avait aussi Hideyuki Hori, qui avait interprété le héros de Tiger Mask 2. En clair, l'important était d'avoir un bon équilibre entre les diverses voix. Et l'équipe que nous avons réuni allait de soi.


10) Concernant la réalisation, sur quels points avez-vous fait particulièrement attention ?

Morishita : En priorité, à obtenir des dessins mettant les scènes d'action en valeur. Les histoires fortement orientées sur l'action sont ce qui est le plus difficile pour les créateurs, les réalisateurs, et les scénaristes. « Pourquoi ce combat arrive-t-il ? », « pourquoi se relève-t-il encore alors que le bon sens devrait le pousser à abandonner ? », « pourquoi l'ennemi perd-il alors qu'il avait un tel avantage au niveau de la force ? ». Même si il faut que le personnage principal gagne, on ne veut pas non plus voir un ennemi puissant être finalement vaincu d'un seul coup de poing, non ? Je pense que ceci n'est pas une bonne mise en scène.


Il faut également choisir correctement le moment où le personnage principal reprend le dessus : profite-t-il d'un instant pendant lequel son adversaire, sûr de sa victoire devient trop arrogant ? Est-il soutenu par l'amitié de ses amis ? Un combat ne doit pas être précisément haché en parties définies, en shaku, mais doit plutôt être structuré avec des pauses dramatiques appropriées (ma). Dans les autres genres, l'histoire progresse uniquement au travers des dialogues, et on a peu d'occasions de marquer certains moments en suspendant l'action pour engranger la tension. Pour les animes d'action, ce qui est montré au travers des images est plus important que l'histoire dite.


Ce genre d'histoire de héros est une spécialité de la Toei Animation, depuis l'ère de Yorozuya Kinnosuke à "One Piece", en cours de diffusion. Nous avons toujours eu un bon sens des pauses. C'est notre sang. Il faut pouvoir marquer les moments cools, ainsi que choisir les mie, quand les personnages se préparent à agir.


NDT: les "shaku", "ma", "mie" sont des concepts spécifiques au kabuki, théâtre classique japonais, qui n'existent pas dans le théâtre occidental. Pour en savoir plus: Kabuki-bito (texte en anglais en bas)


11) Comme lorsqu'un personnage s'écrie « Sottises ! » ?

Morishita : Oui, voilà (rires) ! C'est le genre de moment qui plaît aux fans et aux téléspectateurs. Et il faut prêter attention aux angles de caméra, car faire des cuts calqués sur les cases du manga fait courir le risque de se retrouver avec des plans larges. Ce n'est pas ce que les fans veulent voir.


Plus que des forêts ou des montagnes, ils veulent des plans sur la partie supérieure des personnages principaux, et donc s'attarder sur des plans larges est hors de question. Tout comme ils ne veulent pas voir les dos. Ce sont les visages qu'il faut mettre en avant. La Toei Animation le comprend très bien, et nous avons par exemple des plans de buste utilisant une animation de bouche en 3 temps pendant 10 ou 20 secondes, ce qui nous permet d'économiser les cells.


Mais en contrepartie, ces cells économisés sont utilisés pour les scènes d'action. Cette méthode pour réaliser des scènes d'action combinée aux personnages de Shingo Araki sont devenus de puissants atouts pour Saint Seiya.


12) Vous avez été réalisateur en chef jusqu'à la fin du chapitre Asgard, et à partir de l'épisode 100, vous avez été remplacé par Kazuhito Kikuchi pour le chapitre Poséidon.

Morishita : On m'a fait changer de fonctions car j'utilisais trop d'argent sur cette production (rires). Non, sérieusement, on m'a effectivement fait des remontrances en me disant de ne pas utiliser autant de budget. Et ça coincidait avec le moment où le studio souhaitait renforcer le côté action de Dragon Ball à l'image de Saint Seiya. Et c'est ainsi qu'est né Dragon Ball Z.


Saint Seiya est à la fois un drame humain et un anime d'action, et les histoires racontées sont aussi bien adaptées à la télévision qu'au cinéma. À l'époque, les films de Saint Seiya faisaient 40 minutes, et étaient donc diffusés en double-feature (NDT: 2 films pour le prix d'un) avec d'autres animes. Mais en comparaison de l'anime supplémentaire, ou des autres films animés, ils semblaient bien plus rayonnants. Les dégradés d'ombres donnaient une apparence luxueuse à l'image.


Et d'ailleurs, je pense que le Saint Seiya produit par Shigeyasu Yamauchi, cette mise en couleurs, porte une sensualité qui n'a pas d'égal parmi le travail des autres gens en charge de Saint Seiya. Chaque ombre, chaque pose exprime quelque chose. Avoir travaillé sur Saint Seiya m'a permis d'apprendre énormément de choses qui m'ont ensuite servi dans mes travaux ultérieurs.


13) Saint Seiya Omega va bientôt débuter. D'après vous, pourquoi y a-t-il autant de gens qui aiment Saint Seiya ?

Morishita : Comme j'en ai pris conscience en réalisant le générique de début, je pense que c'est parce que le monde de Saint Seiya est à la fois complexe, détaillé, mais pourtant étrangement simple à comprendre.


Une raison de ce succès est par exemple l'utilisation des constellations. Chaque personnage est placé sous une constellation protectrice, une particularité qui ne se retrouve pas dans d'autres oeuvres. Et le groupe de 5 héros tel qu'il est formé est également incroyablement simple à comprendre.


La mythologie grecque, Athéna, ou le concept du Cosmso peuvent sembler difficiles d'approche, mais des répliques telles que "Brûle, mon Cosmos !" font ressentir aux enfants ce que ça veut dire. Et puis, dans l'oeuvre les kanjis 小宇宙 - kouchū ("petit univers") sont prononcés "Cosmos" au lieu de leur lecture normale, et de même, 聖闘士 - seitōshi ("guerrier sacré") est en fait prononcé "Saints". Ceci donne une ambiance exotique, étrangère à cette oeuvre, et donne naissance à un monde intéressant.


Bien entendu, je ne prétends pas parler au nom de tous les fans, et les points importants que je viens de citer ne sont que mon appréciations personnelle.


Légende des images

1. Les 10 Bronze Saints du début de la série. Mori a beaucoup discuté du sujet des couleurs à choisir avec Araki afin de s'assurer de la qualité de l'animation.


2. Storyboard de la première partie de l'opening, du début jusqu'à l'apparition du titre. Les dix Bronze Saints courent alors que la Cloth Box s'ouvre derrière eux, puis se séparent. C'est une scène emblématique de Saint Seiya.


3. Seconde partie du storyboard de l'opening. Seiya bat des gardes avec le soleil dans son dos, les 10 Bronze Saints alliés se retournent, et on voit l'armée du Pope maléfique ! Ces séquences de qualité s'enchaînent rapidement, en l'espace de 10 secondes !


4. Design sheet par Shingo Araki. « J'ai toujours trouvé que les dessins de Shingo Araki étaient splendides depuis que j'avais vu son travail sur Kick no Oni (1970) » (Morishita)


5. Morishita a lui aussi beaucoup aimé le subtil triangle amoureux posé entre Seiya, Saori, et Shaina.


6. Settei d'une Cloth Box. Dans l'anime, les Cloths jaillissent de la boîte et vont se poser sur leurs propriétaires. Ce principe est devenu le principal point de promotion pour les figurines "Saint Cloth Series".